Poissons, pirates… Les graffitis se succèdent sur le grand blockhaus du boulevard de l’Océan (1). Ou devant formes et couleurs abstraites, il m’arrive de penser aux artistes contemporains Hantaï ou Viallat. Cet empilement tient du palimpseste, » un parchemin dont on a effacé la première écriture pour pouvoir écrire un nouveau texte « , dit Le Robert.
Les graffeurs reproduisent sur béton de blockhaus la pratique sur vélin des moines du Moyen-Âge. Avec une liberté de création qui aurait été qualifiée d’art dégénéré par le régime nazi, architecte de cette oeuvre militaire attaquée désormais par des bombes de peinture.
Cet art urbain est né avec une politesse. Pour recouvrir un graff, il faut au moins qu’une photo soit prise de l’œuvre par l’artiste – des codes le signalent -, voire qu’une notoriété s’impose, sorte de rapport de force graphique.
J’ai découpé certaines œuvres de cet art éphémère à partir de mes photos, mais mes captures sont aléatoires et mes souvenirs s’enfuient. Je n’ai revu la composition de la maison des jeunes de Damgan (2009) que sur Google Map. J’ai aussi retrouvé quelques cétacés de 2014 sur le site AtlantikWall, qui étudie les blockhaus du mur de l’Atlantique. Internet mémorise l’espace/temps.
En ce printemps 2025, pas de nouvelle œuvre majeure. Moins besoin de se montrer pour les artistes ? Nos voisins de Vannes illustrent leurs murs à la suite d’appels à projets. Expos, galeries… cet art graphique né rebelle s’est policé en art urbain.
La rascasse côté boulevard vieillit. Sujet de la liberté anarchique du graff, son œil blanchit, comme une larme de béton…
Juin 2025
(1) Je ne renvoie que vers les auteurs que j’ai pu identifier.